Il y a six mois, Éric Petrotto, fondateur d’1D Touch, est venu me trouver pour que je participe à la création d’une exposition pour la Biennale Internationale design de Saint-Étienne 2015. C’est un événement important pour la ville, pendant un mois, du 12 mars au 12 avril, des milliers de personnes viennent voir les expérimentations, réflexions et prospectives de designers des quatre coins du monde. C’est une période passionnante et très inspirante, j’étais donc très enthousiaste à l’idée d’y prendre part. Une équipe 100 % locale a donc été constituée pour réaliser en quelques mois, l’une des expositions les plus populaires de l’événement.
Le projet
L’exposition est une installation multimédia qui présente les œuvres du photographe Richard Bellia, et de l’artiste-sérigraphe Elza Lacotte. À l’aide de capteurs de mouvements, des morceaux de musique se déclenchent dans le casque fourni au visiteur. On l’invite à prendre son temps devant les images et la musique change sa perception des œuvres. Le dispositif est simple et facile d’accès. J’avais en charge la création de l’identité visuelle et des outils de communication de l’événement.

Le titre
Lors des premières réunions de travail avec l’équipe-projet, plusieurs mois avant la biennale, je n’avais aucun élément sur lequel m’appuyer pour la création visuelle. Nous avions seulement le lieu d’exposition mis à disposition par la Cité du design. C’était une réserve, abandonnée au milieu d’une cour intérieure de l’ancienne Manufacture d’armes de Saint-Étienne. Éric Pétrotto, co-commissaire du projet voulait travailler sur la perte des repères sensoriels. Il a alors proposé un titre. Évocateur et mystérieux, il s’est imposé naturellement à toute l’équipe : Réserve déboussolée, un nom parfait pour inventer une histoire avec des images.
La direction artistique
Pour concevoir les premiers visuels du projet, j’avais donc un lieu, un titre et cette idée que l’installation devait être une bulle isolée du reste de la biennale. Nous ne pouvions pas révéler le contenu du projet, seulement des bribes, et de toute façon nous n’avions encore rien à montrer à ce moment là. Nous nous sommes mis d’accord pour garder le mystère autour du projet pour susciter l’envie chez le visiteur. Assez vite, j’ai eu en tête des montages déstructurés, des sons parasites, des ambiances industrielles, des détails de textures. Le but étant de créer des interférences dans les images pour ne révéler que des indices de ce qu’allait être la Réserve. Pour expliquer à l’équipe le type d’images que j’avais en tête, j’ai évoquer le générique de Homeland et le travail de Kyle Cooper (réalisateur des génériques de Seven, The Walking Dead ou American Horror Story). À partir de ces préconisations, Teaser Media a réalisé le générique de l’exposition qui introduit la Réserve de manière énigmatique.

Le visuel générique
La Réserve déboussolée avait besoin d’un visuel évocateur qui l’identifierait auprès du public. J’ai demandé à Pierre Grasset de faire une photo pour créer ce visuel. Comme le bâtiment était en train de devenir le personnage principal du projet, j’ai proposé d’en faire l’élément central de l’image. La série de photographies d’immeubles abandonnés de David Schalliol a servi de référence pour la prise de vue. Nous avons allumé un projecteur à l’intérieur de la réserve pour dramatiser l’ambiance et donner l’impression qu’elle était vivante.



Les réseaux sociaux
L’affiche et son titre donnait beaucoup de place au bâtiment d’exposition, si bien qu’il semblait presque aussi important que ce qu’on allait voir à l’intérieur. À partir de là, j’ai proposé de faire de la Réserve déboussolée un personnage à part entière, doué d’une conscience propre, et qui serait l’unique voix s’exprimant à travers Twitter et Facebook. Une sorte de HAL 9000 bienveillant et naïf. L’idée consistait à diffuser de l’information sur l’exposition en évitant que les internautes aient l’image d’un community manager traditionnel derrière un écran. Le but était de créer de l’empathie pour la Réserve.
Bjr Twitter. Je suis la Réserve Déboussolée. Je suis hors de l’espace et du temps. Je grandis pas à pas, bientôt j’ouvrirais mes portes.
— Réserve Déboussolée (@deboussolee) 14 Novembre 2014
Le logo
Le thème de la perte des repères, souhaité par Éric, a inspiré la forme du logo. C’est une métaphore de la Réserve. Il représente un cube impossible, une forme qu’on ne peut pas reproduire dans la réalité. La Réserve est à l’image de ce cube, un espace en dehors des conventions. Les arrêtes du cube font écho au caractère typographique, Parley, dont les lettres filaires ressemblent à des abstractions géométriques, à la limite de la lisibilité.
Les outils de communication
Un dossier de presse, un carton d’invitation, un site internet et des cartons distribués à la fin de la visite ont été réalisés pour compléter les outils de communication de l’événement. Le dossier de presse se plie pour former un cube rappelant le logo et l’invitation a été gravée dans un carreau en céramique issu du carrelage utilisé dans la scénographie.

L’application
Au départ de la visite, le public reçoit un casque et un iPod pour contrôler l’interactivité de l’installation. J’ai conçu l’interface graphique des différents écrans.
Nous n’avions aucune certitude quant à la manière dont serait accueillie l’exposition. Il y avait beaucoup d’expérimentation, autant dans le dispositif multimédia conçu par Avant-Goût Studios que dans la scénographie réalisée par Inclusit Design. En un mois, plus de quinze mille visiteurs ont passé les murs de la Réserve qui ne peut accueillir que vingt personnes à la fois. Les retours ont été très positifs comme en témoignent les nombreux articles publiés sur le sujet et les avis des visiteurs. Si bien qu’il se pourrait que la Réserve se déplace dans d’autres lieux en France, mais c’est une autre histoire.